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Le cancer primitif du foie

Publié dans Cancérologie digestive et gynécologique

Introduction

le CHC est un cancer primitif du foie qui se développe à partir des cellules du foie.

Il survient dans la quasi-totalité des cas sur un foie anormal, fréquemment atteint de maladie chronique souvent au stade de cirrhose. Toutes les causes de maladie chronique du foie sont donc responsables, directement ou indirectement, de CHC. Les causes les plus fréquentes sont l'infection par le virus de l'hépatite B, le virus de l'hépatite C, l'intoxication alcoolique et la stéatohépatite non alcoolique (NASH). Le diabète et l'obésité, causes de la NASH, sont aussi indirectement responsable de CHC. Le CHC sur foie sain existe mais il est exceptionnel.

 

Epidémiologie

Le carcinome hépatocellulaire est le cancer primitif du foie le plus courant. C'est la 5ème cause de cancer dans le monde et la 3ème cause de mortalité par cancer. Entre 1980 et 1994, la France et l'Italie sont les 2 pays européens où l'incidence du CHC a le plus augmenté (+ 93% en France et + 45% en Italie, chez l'homme). Depuis 1994, cette progression a diminué un peu en France (- 1.7% chez l'homme) et beaucoup en Italie (- 17.4% chez l'homme). De 2000 à 2004, la France était le pays européen où l'incidence du CHC était la plus élevée : 6.7 cas / 100 000 habitants (Homme) et 0.96 / 100 000 habitants (Femme). Entre 1998 et 2002, autour de 900 malades par an sont morts de cette maladie en Ile de France.

Avant 2000, l'augmentation importante de l'incidence du CHC s'explique par l'amélioration des méthodes de détection de la maladie et par l'épidémie d'hépatites B et C. Après 2000, le contrôle de l'épidémie d'hépatite B et la baisse de la consommation d'alcool ont participé à la diminution de l'incidence de la maladie, mais le pic de fréquence de CHC lié au virus de l'hépatite C est attendu pour 2010 en France.

Depuis 1996, avec l'efficacité des traitements anti-rétroviraux chez les patients infectés par le VIH et l'augmentation de leur survie, l'incidence du CHC est en augmentation dans cette population souvent co-infectée par le virus de l'hépatite B et/ou celui de l'hépatite C. L'obésité, qui a augmenté de 8.6% en 1997 à 13% en 2006 dans la population française et est responsable de la NASH, est devenu un nouveau facteur de risque de CHC.

A une échelle nationale, la meilleure connaissance des mécanismes de développement du CHC et de ses facteurs de risques a incité à mettre en place des programmes de surveillance des paramètres biologiques et morphologiques chez les patients concernés afin de détecter la maladie à un stade plus précoce.


Le diagnostic

Le CHC est souvent découvert dans le cadre du bilan initial ou de la surveillance d'une hépatopathie chronique, et parfois au cours de l'exploration de signes cliniques en rapport avec le cancer. Comme toutes les tumeurs du foie, il peut être découvert par hasard, par exemple lors d'une radio ou d'un scanner prescrit pour une autre raison.


Les signes cliniques du CHC

La présence de signes cliniques directement dus au cancer témoigne souvent d'un CHC évolué. Souvent, à un stade tardif, le CHC peut obstruer la veine porte et/ou les canaux biliaires. En conséquence, c'est une jaunisse (ictère) et parfois un épanchement liquidien intra-abdominal (ascite) qui fait découvrir un CHC très évolué. Il arrive aussi que la maladie soit découverte suite à une hémorragie interne par rupture d'une tumeur à la surface du foie. Exceptionnellement, la tumeur est découverte à la palpation d'une masse abdominale.


Les signes biologiques du CHC

L'alphafoetoprotéine (AFP) est une protéine qui est sécrétée dans le sang par environ la moitié des CHC. Le CHC n'est pas la seule cause d'augmentation de l'AFP cependant l'on considère qu'un taux sanguin supérieur à 400 ng/ml (le taux normal est inférieur à 7 ng/ml), en présence d'un nodule du foie et de facteurs de risque d'hépatopathie chronique, est suffisant pour affirmer le diagnostic de CHC.


Les signes radiologiques du CHC

Le diagnostic de CHC est de plus en plus souvent radiologique car cette tumeur est souvent découverte lors du diagnostic ou de la surveillance d'une hépatopathie chronique.

La particularité du CHC est d'être une tumeur dite « hypervasculaire », c'est-à-dire qu'elle se remplit et se vide rapidement de sang artériel. Une autre caractéristique est, dans certains cas, la présence de graisse au sein de la tumeur. A un stade plus avancé, la tumeur a la particularité d'envahir les gros vaisseaux du foie (veine porte droite ou gauche) en envoyant dans ces veines des « bourgeons » tumoraux qui obstruent et remontent « à contre-courant » l'axe vasculaire digestif principal.

Chez des patients avec une hépatopathie chronique et un nodule suspect de CHC de moins de 2 cm de diamètre, le diagnostic doit reposer sur au moins 2 examens radiologiques différents. Ces examens peuvent être une échographie abdominale, un scanner abdominal injecté, une imagerie par résonance magnétique ou une échographie avec injection de produit de contraste. Au dessus de 2 cm de diamètre et/ou en présence d'un dosage d'AFP supérieur à 400 ng/ml, un seul examen suffit à porter le diagnostic.

En pratique, l'échographie permet le dépistage, le scanner abdominal confirme l'image vue en échographie et l'IRM et/ou l'échographie de contraste affirme le diagnostic de CHC en cas de doute au scanner.

Après le diagnostic, les mêmes examens peuvent permettre d'apprécier l'évolution de la maladie et les effets des différents traitements. L'efficacité d'un traitement est principalement évalué par la persistance ou non d'une hypervascularisation au sein du nodule qui témoigne de sa vitalité.


Le traitement du CHC

Le traitement du CHC est indispensable sous peine d'une évolution toujours fatale. Il doit cependant tenir compte de la cause et de la gravité de la maladie hépatique sous-jacente. On cherche toujours à traiter parallèlement la cause de la maladie hépatique si ce traitement existe et est envisageable. C'est la gravité de la maladie hépatique sous-jacente, évalué par le score de CHILD et/ou de MELD, et l'extension du cancer qui vont dicter les possibilités thérapeutiques.
Les moyens thérapeutiques employés contre le CHC sont la transplantation hépatique , la chimioembolisation , la radiofréquence , la résection chirurgicale et la chimiothérapie.


La transplantation

Le meilleur traitement du CHC est de manière quasi-certaine la transplantation hépatique car il traite à la fois la maladie cancéreuse et sa cause, la cirrhose. Les limites de ce traitement sont celles de la faible disponibilité des greffons hépatiques qui doivent être prélevés sur un donneur en mort cérébral mais avec une activité cardiaque persistante. Dans ce contexte de pénurie d'organe, il a été établi des régles d'attribution afin que les malades transplantés pour CHC sur cirrhose aient les mêmes résultats que les malades transplantés pour cirrhose sans CHC. Ainsi, la transplantation hépatique est devenu « éthiquement» raisonnable car elle ne «gachait» pas des greffons qui aurait été beaucoup plus «rentables» en terme d'année de vie gagnés chez des patients sans cancer.

Ces régles d'attribution des greffons ont été initialement décrites au Centre Hépato-Biliaire en 1994 puis ensuite réevaluées à plus grande échelle par une équipe Italienne de Milan en 1996. Ces critères dits « de Milan » sont toujours utilisés partout dans le monde sauf en Asie.

Des critères internationaux (les "critères de Milan") définissent les conditions d'attribution d'un greffon hépatique aux patients atteints de CHC sur cirrhose : une transplantation hépatique est autorisée si un malade présente 2 ou 3 nodules dont le plus gros fait au maximum 3 centimètres, ou 1 nodule unique d'au maximum 5 centimètres. Si ces critères sont confirmés par l'analyse histologique du foie malade retiré (foie explanté), le risque de dissémination tumorale en dehors du foie est extrêmement faible et le taux de survie des patients 10 ans après la transplantation est de l'ordre de 60-70%.

Dans plus d'un tiers des cas, malheureusement, ces critères sont dépassés sur le foie explanté et le taux de survie observé 10 ans après la transplantation est de l'ordre de 50%. Les causes du dépassement des critères peuvent être une mauvaise évaluation du nombre et de la taille des nodules de CHC sur le bilan initial et/ou une évolution de la maladie cancéreuse lors de l'attente de la transplantation hépatique qui peut aller jusqu'à 1 an.

Pour pallier ce problème, il est nécessaire de réaliser des traitements dits "d'attente" qui permettent de freiner l'évolution de la maladie. Ces traitements sont les mêmes que ceux que l'on peut proposer à un malade en dehors d'un programme de transplantation : il s'agit de la chimioembolisation, de la radiofréquence et - exceptionnellement - de la résection chirurgicale du cancer. Ces traitements peuvent être associés entre eux et parfois répétés.


La chimioembolisation

C'est une injection de chimiothérapie par voie artérielle qui exploite le caractère hypervasculaire du CHC. Cette injection de chimiothérapie est effectuée directement dans l'artère hépatique que l'on atteint par l'aorte en faisant progresser sous contrôle radiologique un cathéter introduit au pli de l'aine, dans l'artère fémorale.

L'injection de chimiothérapie est associée à l'injection d'un produit graisseux et hydrophobe, le lipiodol, qui se mélange à la chimiothérapie et se fixe préférentiellement au niveau des cellules cancéreuses. Par ailleur, le lipiodol a la particularité d'être visible sur les clichés radiologiques, c'est un produit radio-opaque. Cette caractéristique permet d'évaluer l'efficacité du traitement : plus un nodule a « fixé » le lipiodol, plus il est spontanément visible au scanner et plus le traitement est efficace.

Chez les patients ayant un fonctionnement hépatique correct (CHILD A et/ou MELD<10), cette injection est associée à une embolisation : obstruction temporaire de l'artère hépatique elle-même ou des branches qui vascularisent la tumeur. Cette obstruction temporaire est effectuée avec des éponges microscopiques qui se délitent ensuite en 4 à 5 jours. Son intérêt est d'éviter le « lavage » du produit de chimiothérapie par le flux sanguin pour en augmenter encore l'efficacité.

L'embolisation artérielle n'est pas réalisée si le fonctionnement hépatique est trop dégradé, s'il existe une obstruction de la veine porte ou si l'artère hépatique est déjà abîmée par des traitements précédents. Dans ce cas, on effectue l'injection de chimiolipiodol sans embolisation. Enfin, l'insuffisance rénale grave est une contre-indication à la réalisation du traitement lui-même car l'injection d'iode, qui est nécessaire même pour le « chimiolipiodol sans embolisation », est dangereuse pour les reins.

La chimioembolisation est très fréquemment réalisée au Centre Hépato-Biliaire où les radiologues ont une grande expérience de cette procédure. Cette intervention nécessite une hospitalisation de 4 à 5 jours, temps nécessaire pour que l'artère se réperméabilise. Ce traitement peut être responsable de fièvre et de douleur modérée au niveau du foie avec parfois une augmentation des taux sanguins de ASAT et ALAT. Grâce à une prise en charge spécifique de la douleur, ces effets secondaires sont bien tolérés et disparaissent spontanément.

L'efficacité de ce traitement est évaluée par un scanner 1 mois après l'intervention. Sur ce scanner, on évalue la fixation du « lipiodol » au niveau du ou des nodules et la persistance ou non d'une hypervascularisation du CHC. L'intensité de la fixation est corrélée à l'efficacité du traitement. Un taux d'AFP en baisse, s'il était élévé avant le traitement, est aussi une preuve d'efficacité du traitement.

La chimioembolisation peut-être réalisée dans un programme d'attente de la transplantation ou comme traitement unique chez un patient qui ne relève pas ou pas encore de la chirurgie - patient âgé, ou présentant des tumeurs trop nombreuses pour la transplantation. Ce traitement peut-être répété plus de 10 fois avec des résultats individuels parfois très satisfaisants.


La radiofréquence

La radiofréquence est un traitement local de destruction du CHC. Ce traitement consiste à introduire, le plus souvent par ponction cutanée, une aiguille au bout de laquelle se déploient des aiguilles très fine sous la forme d'un palmier. Ces aiguilles sont déployées dans la tumeur et permettent sa nécrose thermique par l'application d'un courant électrique interne.

Le traitement est effectué au bloc opératoire sous anesthésie générale par les chirurgiens ou par les radiologues. Il nécessite une bonne visibilité de la tumeur sous échographie. Exceptionnellement, si la tumeur est difficile d'accès ou si elle est peu visible en échographie, ce traitement peut-être réalisé à l'aide d'un scanner, au service de radiologie.

Ce traitement ne peut pas être réalisé si le CHC dépasse 4 cm et surtout s'il existe plus de 2 nodules. Les autres contre-indications à ce traitement sont l'ascite, la présence d'une dilatation des voies biliaire ou un fonctionnement hépatique très dégradé (score de CHILD C).

L'efficacité de la radiofréquence est évaluée par l'imagerie et l'évolution du taux d'AFP s'il était élevé avant le traitement. C'est le scanner, l'IRM ou encore l'échographie qui permettent d'évaluer la persistance ou non d'une vascularisation du CHC afin d'appréhender la « vitalité » du cancer et donc l'efficacité ou non du traitement.

Dans l'état actuel des connaissances, il n'est pas possible de dire si la radiofréquence a ou non la même efficacité que la résection des nodules cancéreux par voie chirurgicale. Le principal avantage de la chirurgie par rapport à la radiofréquence est la possibilité d'emporter autour du cancer une marge de foie « sain » dans lequel on peut trouver des cellules cancéreuses microscopiques. La présence de ces cellules cancéreuse est d'autant plus fréquente que le cancer est gros. Donc, il est probable que la radiofréquence soit aussi efficace que la chirurgie pour les tumeurs inférieures à 3 cm où le risque d'extension microscopique dans le foie en périphérie de la tumeur est très faible. En revanche, pour des tumeurs supérieures à 3 cm, la chirurgie fait très probablement mieux que la radiofréquence. Cependant, la chirurgie (hépatectomie sur cirrhose) a une mortalité supérieure à la radiofréquence, surtout si elle emporte beaucoup de foie « sain ». De fait, c'est la localisation du cancer sur le foie qui va faire décider une hépatectomie ou une radiofréquence. Finalement, l'hépatectomie est réalisée le plus souvent pour des tumeurs superficielles alors que les radiofréquences sont réservées aux tumeurs plus profondes.


La résection chirurgicale

La résection chirurgicale du CHC qui emporte au moins 2 cm de marge de foie « sain » est un traitement très efficace du CHC superficiel. Les dangers de ce traitement sont principalement liés à l'état général des patients et surtout à leur fonction hépatique. Pour pouvoir supporter une résection de foie cirrhotique (hépactectomie sur cirrhose), les malades doivent avoir un bon fonctionnement cardiaque et respiratoire, et un fonctionnement hépatique quasi-normal (score de CHILD A, score de MELD inférieur à 10).

Chez des patients sélectionnés, la chirurgie, de préférence sous coelioscopie, apporte les meilleurs résultats après la transplantation dans le traitement du CHC supérieur à 3 cm.


La chimiothérapie intra-veineuse ou orale

Les chimiothérapies intra-veineuses classiques (systémiques), proposées depuis plusieurs années, se sont montrées peu efficaces contre le CHC. Outre la particularité tumorale, c'est souvent la maladie hépatique sous-jacente qui imposait de faibles dosages et donc une faible efficacité.

Depuis 2007, de nouvelles molécules ont fait leur apparition dans l'arsenal thérapeutique contre le CHC. Ce sont des traitements ciblés : ils agissent sur des récepteurs tumoraux spécifiques du cancer pour empêcher notamment le développement de micro-vaisseaux qui alimentent le cancer et permettent son développement. Ces nouveaux médicaments, appelés anti-angiogéniques, se prennent par voie orale et ont montré leur efficacité chez des patients ne répondant plus à la chimioembolisation et ayant une cirrhose avec un bon fonctionnement hépatique (CHILD A). En 2008, ils sont en évaluation à une échelle mondiale comme traitements adjuvants après radiofréquence ou chirurgie. Le Centre Hépato-Bilaire est activement impliqué dans cette évaluation.

 

Publication

Ann Chir. 1998;52(6):543-6.
Treatment of hepatic recurrence after resection of hepatocellular carcinomas.

[Article in French]

Sbaï-Idrissi MS, Vons C, Borgonovo G, Mariette D, Smadja C, Franco D.


Source

Service de Chirurgie Générale et Digestive, Hôpital Antoine-Béclère, Clamart.


Abstract

Between October 1990 and December 1995, 86 patients underwent hepatic resection for hepatocellular carcinoma (HCC). All resections were carried out with the aim of achieving complete cure. Fifty one (60%) of these patients subsequently developed recurrent HCC. Only twenty patients could be treated in our hospital. There were 18 men and 2 women, with a mean age of 61 years at the time of recurrence. Six patients had a normal liver. Fourteen patients had associated liver cirrhosis. using Pugh's classification, 7 patients were Pugh A, 6 Pugh B and 1 Pugh C. The initial hepatic resection had consisted of major hepatectomy in 9 cases and segmentectomy in the remaining 11 patients. The mean time to recurrence was 17 months. There were 3 recurrences on the resection margin and 17 recurrences away from the hepatic stump. The therapeutic choice after hepatic recurrence was based on the number of tumors, hepatic function and the size of the liver remnant. Six patients were treated by tamoxifen due to poor hepatic function; median survival after recurrence was 6 months. Four patients with a single recurrent tumor on an atrophied liver remnant were treated by percutaneous ethanol injection with a median survival after recurrence of 15 months. Five patients with multiple diffuse lesions and good hepatic function were treated by transarterial chemoembolisation with a median survival after recurrence of 30 months. Five patients with a solitary tumor and good hepatic function underwent a second hepatic resection with a median survival after recurrence of 35 months. The overall median survival after diagnosis of recurrence was 20 months.
These results suggest that an active treatment should be carried out in cases of recurrence of HCC. A second resection, if technically possible, offers the best chance of survival.

PMID: 9752504 [PubMed - indexed for MEDLINE]

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Publication Types, MeSH Terms, Substances


Conclusions :

Ces résultats suggèrent qu'un traitement actif doit être effectuée en cas de récidive du CHC. Une deuxième résection, si cela est techniquement possible, offre la meilleure chance de survie.